Laffaire dont nous traitons ici est dune extrême gravité.
Le nouveau-nouveau Code des marchés publics a été publié au Journal officiel le 8 janvier. Il était accompagné dune circulaire qui en constitue le manuel dapplication. Rédigée par la direction des Affaires juridiques du ministère de lEconomie, des Finances et de lIndustrie (MINEFI), elle a été louée pour son caractère pédagogique. Au-delà du JO, elle a été largement diffusée aux maires et elle figure en bonne place sur le site du ministère : www.colloc.minefi. gouv.fr
Cette circulaire est sans ambiguïté : en dessous des nouveaux seuils enclenchant les procédures formalisées (pour lessentiel, 90 000 euros HT), aucune publication dappel doffres nest obligatoire dans les journaux spécialisés et/ou habilités. Par contre, il appartient à lacheteur public "de déterminer les modalités de publicité les plus pertinentes au regard de lobjet et du montant du marché en cause". Et la circulaire précise : "Lacheteur a le choix entre trois catégories de supports écrits : la presse écrite, laffichage et lInternet."
Cette réforme, on en convient, remet en cause les intérêts de quelques titres de la presse professionnelle. Et nous comprenons que certains de nos confrères plaident pour que les collectivités locales continuent, moyennant fi-nances, à insérer dans leurs colonnes des textes que, pour cause de révolution infor-matique, aucun acheteur ny lit plus
Mais certains vont beaucoup plus loin.
Plusieurs lecteurs nous ont ainsi demandé ce quil fallait penser du Vade-mecum de lAcheteur Public, gracieusement distribué aux abonnés des publications du Groupe Moniteur (Le Moniteur des travaux publics, La Gazette des Communes, Le Courrier des Maires). Cet ouvrage de plus de 100 pages souvre sur un texte de la direction des Affaires juridiques du MINEFI, avec logo tricolore officiel. Il se prolonge par des fiches thématiques (pour partie issues du site Internet du ministère), par le contenu du Code et de la circulaire, par des copies des modèles de formulaires
Curieusement, il faut arriver au bas de la dernière page de ce Vade-mecum pour découvrir, en tous petits caractères, quil sagit là dune publication du Groupe Moni-teur et de lui seul. Et que "tous les textes qui ne sont pas expressément signés par un Ministère ne sauraient bien évidemment engager la responsabilité des services centraux".
Cest le moins que lon puisse écrire ! Le lecteur du Vade-mecum découvre en effet, à la page 24 et au milieu de textes dorigine officielle, une "charte de 10 bonnes pratiques" qui "a été élaborée" (sic) sans que lauteur en soit nommé (mais lambiguïté sur sa nature nest pas fortuite !). Or, ce texte est exactement contraire au contenu du Code et de la circulaire. Ainsi y lit-on que, "dès le premier euro", une publicité simpose "dans la presse écrite". Et que "afin de se conformer aux objectifs mentionnés à larticle 1er du Code, les acheteurs publics sont invités [
] à recourir le plus souvent possible à la presse spécialisée pour la publication de leurs avis en dessous de 90 000 euros HT".
Ce Vade-mecum na pas seulement suscité les questions de ceux de nos lecteurs qui lont reçu. Il a provoqué une vive émotion au sein de la direction des Affaires juridiques du MINEFI. "En dépit des apparences, ce document na aucun caractère officiel" a-t-elle fait aussitôt savoir par courrier électro-nique, ajoutant quà aucun moment elle na été consultée sur son contenu.
Jérôme Grand dEsnon, son directeur, na pas caché sa colère, qualifiant de "grossier" le procédé qui consiste à utiliser le logo du ministère en préambule dun document pour lui fournir une apparence officielle.
Le Groupe Moniteur nous lavons écrit le mois dernier encore, ici même est entre les mains dactionnaires, pour lessentiel étrangers, dont la principale préoccupation nest visiblement pas linformation sérieuse des élus locaux français (1).
Loin de ses valeurs dorigine, il navigue ainsi au gré de vents faciles à mesurer, mais difficiles à maîtriser. Dès lors, il est aisé de comprendre pourquoi la moindre évolution de la législation touchant un des secteurs-clés de son chiffre daffaires (2) lui fait perdre de vue les règles de base de linformation juridique.
Il appartiendra à dautres de rappeler, dans cette affaire, à quelles contraintes déontologiques la presse doit obéir en matière dusage des logos officiels des ministères. Les tribunaux, nous semble-t-il, sont là pour ça (3). Nous nous bornons ici, quant à nous, à un constat de faits inquiétants et graves.
Et, puisquil est question de bonnes pratiques, nous en proposons une seule, que partagera limmense majorité des maires : il serait dommageable pour les contribuables, dans la période actuelle, que largent public soit gaspillé en publications devenues inutiles.
Le Journal des Maires
(1) Voir le site www.acrimed.org
(2) Le Moniteur des travaux publics, dont la diffusion a fortement baissé depuis 30 ans, dégage toujours dimportantes marges bénéficiaires grâce à la publication des appels doffres.
(3) Pour mémoire, citons larticle 444-5 du Code pénal : "Sont punies dun an demprisonnement et de 15 000 eu-ros damende la fabrication, la vente, la distribution ou lutilisation dimprimés qui présentent avec les papiers à en-tête ou imprimés officiels en usage [
] dans les administrations pu-bliques [
] une ressemblance de nature à causer une méprise dans lesprit du public."
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Attention aux ouvrages d'apparence officielle !
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